Ce poème, je l’ai écrit en étant inspiré par les nombreuses retraites que j’ai fait dans un passé pas si lointan à l’Ermitage de Warden, en Estrie. Je ressens une attraction particulière envers ces lieux uniques, son aménagement rustique et chaleureux, sa simplicité et, naturellement, les créateurs qui ont généré un tel paradis terrestre. C’est un des quelques lieux où je peux vraiment dire que je me sens à la maison.
Chacune de mes retraites (il y en a eu 5 au total : 1 de 7 jours, 1 de 5 jours et 3 de 3 jours) fut passée dans le silence et l’inaction complets. Aucune lecture, musique ou stimulation extérieure. Aucun échange avec les autres usagers de l’Ermitage. La seule chose que je me suis permis fut l’écriture, car après quelques heures dans le silence et la présence, l’inspiration et les réponses à de grands questionnements fusaient de toutes parts.
Ce poème est un hommage à l’individualité, au fait de penser à soi, de prendre soin de soi-même et de s’offrir des moments de quiétude, de repos, d’existence, d’auto-empathie et de bienveillance. Car, au fond, je suis la personne la plus importante de ma vie.
Exister à Warden
Je me retire en retraite
Le coeur au bord d’un précipice
Des tournoiements pleins la tête
Signes d’une vie qui lentement glisse
Je suis celui qui s’isole de la ville,
Se désole de ses mille stimulations vaines
De mon masque social je suis en exil
La forêt se soucie-t-elle de ma souffrance humaine?
Je me dépose en ce sobre lieu
Épris par une étrange familiarité
Est-ce la demeure de dieux?
De gardiens d’un domaine enchanté?
Je m’installe… m’arrête… et mon corps
Soumis par le poids des tourments
Glisse, tel le son d’un doux accord
Vers le chaleureux creux de l’assoupissement
Je me réveille… confus, las, mais détendu
« Est-ce le matin? Le soir? La nuit? »
En silence, je souris ; cela n’importe plus
J’incarne le temps qui coule avec la vie
Je me régale de l’aisance de mes sens
De les savoir à l’affut, telle une chasseresse
Prête à bondir sur parfums et saveurs, en conscience
Sursautant à chaque note, chaque vision, chaque caresse
J’explore chacun de mes voeux pieux
Dans l’espoir d’en devenir plus sage
Et de retirer un à un ces vieux pieux
Qui soutiennent l’armature de ma cage
Je ressens une froideur… trois journées me suivent
Me regardant, me pressant, me jugeant
« Suis-je coupable de ne rien faire d’autre que vivre? »
« Mon repos m’exige-t-il d’être performant? »
Et je vis et trépasse, je m’esclaffe et pleure
J’écris, je dors, ma main prend celle de l’ennui
Au bout de mon lit brûlent un feu et des heures
Dans mes draps je me fonds ; je suis l’oiseau dans son nid
Je vis en solitaire mon ermitage
Mais je n’ai pour autant l’air miteux
En ce moment, je n’ai plus d’âge ;
Ma jeunesse s’observe avec l’âme de ses yeux
Et je repars, rempli de vide
D’infinis moments tapissent mon expérience
De sens, je me sais avide
Plus que jamais, je ressens mon essence
À Warden, d’exister aura suffi
Pour revivre l’état grandiose du divin
Pour me rappeler l’éternel enfant que je suis
Et que cela peut être, à jamais, mon destin…